LA FOLLE DE MODE N°19 JUIN 2006 PAR ELENA ACHER DEFILES PAP FEMME HIVER 06/07 PAUVRE PETITE FILLE RICHE

Dans les années 20, Maman jouait les têtes d’affiche en URSS, perruque en papier mâché à crans redessinés par ALENA AKHMADULLINA. Elle aimait les folies en satin jaune, dentelle malabar et renard noir de KATIA BEREZKINA. Quand Papa décéda des suites de la grippe espagnole, elle porta le chapeau pour deux toute seule et barda son cœur d’un corset de samourai YOHJI. Puis, toujours fascinée par YOHJI YAMAMOTO, elle entra en turquoise. J’étais tour à tour son Petit Lord Fauntleroy, en redingote de velours noir de YUKI TORII, et sa Petite Princesse, en robe chocolat KEITA MARUYAMA, ou en minirobe blanche ISABEL MARANT, réchauffée par le parka blanc à capuchon fourré d’ATSURO TAYAMA.

Vers 1930, elle rejoignit à son tour les anges, EMANUEL UNGARO et GIAMBATTISTA VALLI. Costard et brassard de deuil puis ensemble en laine bouillie, YUKI TORII, j’étais devenue une pauvre orpheline. J’errais dans Le Château de l’Araignée, ma poupée FUKUKO ANDO à la main, en robe nébuleuse de JPG, à la recherche du fantôme de ma maman revêtu de robes à traînes grises de WALTER RODRIGUES. J’en ai porté, des robes grises de YOICHI NAGASAWA, JPG et STELLA MC CARTNEY. Et la robe noire de VERONIQUE BRANQUINHO à guimpe de dentelles noires ! Je deviens pensionnaire, et chaque créateur m’offre un uniforme, du bleu nuit à l’encre violette : merci à BRUNO PIETERS d’avoir pensé à la cagoule en renard marine, à CHAPURIN pour les diamants noirs, à JPG pour les boutons dorés, et à SONIA RYKIEL pour les roses en taffetas...

En 40, JUNYA WATANABE recréa le camouflage, et JUN TAKAHASHI gardait ma féminité prisonnière en talons aiguille chez UNDERCOVER. J’assomme la portière de nuit, m’évade dans son uniforme VIVIENNE WESTWOOD, velours noir à paniers sur les hanches, casquette sur la figure. Les volumes ont gonflé depuis mon enfance : l’AMPLE MANCHE GIGOT remplace la MANCHE COLLANTE CLOQUEE sur petit bras maigre. Pour cette manche, je pique à ma propre sœur son beau manteau EKJO en tweed caviar assaisonné d’arabesques chocolat. J’ai trop faim. Je rêvais d’un somptueux paletot, manches lampion et ramages en noir et blanc de LIE SANG BONG, des jolies robes en Chantilly noire et taffetas sable de BALMAIN/CHRISTOPHE DECARNIN, et surtout d’un magnifique manteau de cour en taffetas cerise de VIVIENNE WESTWOOD.

Dans les années 50, je travaillai si dur que je pus enfin m’offrir la redingote noire damassée à poches de renard de YUKI TORII. Ensuite je tombai amoureuse d’Elvis, qui me donna son perf blanc en croco à manchettes en agneau de Mongolie d’UNGARO. Tous les soirs, je danse avec lui en robe corolle dorée de VIKTOR &ROLF. Mais j’atteignis un sommet d’élégance avec la jupe en renard pêche de LOUIS VUITTON/ MARC JACOBS. J’étais enfin une star, et je devais protéger mon image des téléobjectifs des paparazzi, les yeux dissimulés sous une cloche mastic.

Maintenant que je vis à Piccadilly avec les Beatles, je lis Shakespeare et les tabloïds sur Lady Di en spencer de cuir argenté. J’arbore par pure provoc les bonnets à poil des horseguards sur les épaulettes écarlates de mes trenchs Union Jack de JCC. La nuit, je traîne ma perruque noire à chiens blancs sur mes lunettes de soleil, en trench patchwork de boubou lilas NACO, parmi les punks d'Orange mécanique pressionnés par JOHN RIBBE.

J’adooore...